Centrale nucléaire
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Climat-Énergie
4 novembre 2022

Relance du nucléaire : un mirage répétant les erreurs du passé

Le gouvernement, pris de panique dans les crises énergétiques actuelles, a sorti de son chapeau fin septembre un projet de loi pour accélérer la relance du nucléaire. Une relance qui rencontre bien des obstacles, malgré une volonté politique presque dogmatique.

En ces temps de sobriété énergétique de plus en plus contrainte du fait de l’inflation, d’un hiver à haut risque pour le réseau électrique à cause de nombreux réacteurs nucléaires à l’arrêt, de préparation d’une loi visant à massifier l’utilisation des énergies renouvelables, est-ce vraiment le moment de lancer la construction de nouveaux réacteurs qui ne répondent pas à l’urgence actuelle et détournent l’attention des vraies solutions ?

Saisi le 26 septembre pour une consultation en urgence, le Conseil National de la Transition Ecologique (CNTE), dans lequel les Amis de la Terre France sont représentés, a dû rendre un avis en urgence. Avec d’autres ONGs dont le Réseau Action Climat, nous avions boycotté le CNTE du 5 octobre, en protestation contre ces délais intenables imposés.

Ce projet de loi est clairement un passage en force sur le droit de l’environnement, de la mer, de l’urbanisme, de l’énergie. Il vise, par une série de dérogations et sous couvert d’un supposé « intérêt général », à placer la filière nucléaire au-dessus des lois et des concertations démocratiques. Cela n’est malheureusement pas nouveau : Cigéo/Bure, ITER, rejets d’eau chaude dans les fleuves, etc.

Alors que la construction de l’EPR de Flamanville est un véritable fiasco technique et financier (19,1 milliards d’euros selon la Cour des comptes en 2020, contre 3,3 milliards annoncés en 2006), sans parler des délais de mise en service sans cesse repoussés, l’État veut préparer la construction de 6 à 14 réacteurs nucléaires de type EPR 2 d’ici 2050.

  • Avec quel argent ? Les dizaines de milliards qui devraient soutenir la rénovation des bâtiments ?
  • Avec quels moyens humains ? Des ingénieur·es qui fuient la filière nucléaire ? Des soudeurs qui ont presque disparu ?
  • Avec quelles entreprises ? EDF, qui traverse une crise historique et dont la dette abyssale serait épongée par l’État, alors qu’Emmanuel Macron vient de faire tomber son ancien PDG Jean-Bernard Lévy ? Orano (ex-Areva), ruiné par l’EPR finlandais ? Les géants du BTP, tels que Vinci, Bouygues et Eiffage qui doivent déjà s’en frotter les mains ?
  • Avec quels matériaux ? Du béton, des métaux, des composants électroniques convoités par bien des secteurs d’activités.
  • Avec quel combustible ? De l’uranium 100 % importé et pourtant fer de lance de la fameuse « indépendance énergétique » !
  • Et tout cela dans quels délais ? Une première mise en service en 2040 ?

La Commission Nationale du Débat Public (CNDP) vient de lancer le 27 octobre un débat de 4 mois sur la construction de 6 nouveaux réacteurs nucléaires. Il est intéressant d’observer le calendrier proposé : une loi d’urgence pour accélérer le projet et un « débat » en parallèle pour faire participer les citoyen·nes.

Nous restons fermement opposés à la prolongation du parc nucléaire actuel et à la construction de tout nouveau réacteur.

Pour de nombreuses organisations et individus, ce modèle centralisé et anti-démocratique est dépassé. Il étouffe depuis trop longtemps les politiques d’efficacité énergétique, de sobriété et le développement des énergies renouvelables. Le nucléaire représente le mythe de l’énergie illimitée et peu chère, croyance aveugle, qui, avec celle en les énergies fossiles, a conduit l’Humanité à ce point de non-retour.

Malgré le réchauffement climatique et les crises énergétiques actuelles, le nucléaire n’est pas une solution. Au contraire, il fait partie du problème avec ses déchets nucléaires à gérer, le risque d’un accident majeur, sa vulnérabilité face aux canicules, à la montée des eaux, aux attentats terroristes et aux guerres (la guerre en Ukraine en est un exemple criant).

Il est temps de se tourner résolument et avec enthousiasme vers les seules solutions permettant de maintenir les conditions de vie sur Terre : la sobriété, l’efficacité énergétique et des sources d’énergies 100 % renouvelables !

Des scénarios de transition (négaWatt, Ademe, RTE…) ont démontré que cela est réalisable. Il ne manque que le courage politique.