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Communiqué de presse25 janvier 2017

Code minier : une réforme au goût amer votée à l’Assemblée nationale

Le 25 janvier 2017 – Après de longues heures de débat, les députés viennent d’adopter la proposition de loi visant à adapter le code minier au droit de l’environnement. Cette réforme, attendue et annoncée depuis plus de cinq ans, laisse aujourd’hui un goût amer.

En effet, si certaines améliorations ont pu être adoptées – bien souvent malgré l’opposition du gouvernement et du rapporteur – (1), les problématiques centrales du code minier n’ont pas été résolues, telle que le droit de suite. Surtout, cette réforme arrive bien tard et risque de ne pas aboutir, la session parlementaire se terminant dans un mois. Les Amis de la Terre regrettent une opportunité manquée de voter un texte plus ambitieux, qui aurait pu notamment donner des garanties et des outils à l’Etat pour tourner la page des énergies fossiles.

C’est après deux jours de débat qu’une des dispositions les plus attendues a été votée : l’interdiction de l’exploration et l’exploitation « des hydrocarbures non conventionnels », quelle que soit la technique utilisée. Ce vote reflète en réalité le bilan mitigé de l’examen de cette proposition de loi, car cette interdiction ne porte en réalité que sur les gaz et huiles de schiste, en excluant les autres hydrocarbures non conventionnels comme le tight gas et surtout les gaz de couche, dont l’impact environnemental et climatique est pourtant tout aussi important.

Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives aux Amis de la Terre France, commente : « L’exclusion des gaz de couche ne repose sur aucun argument scientifique, et n’a rien d’un hasard : c’est le fruit des pressions des industriels, car c’est le seul hydrocarbure non conventionnel qui fait actuellement l’objet d’explorations en France. L’urgence climatique exige pourtant qu’on cesse immédiatement tout investissement dans les énergies fossiles, à commencer par les hydrocarbures non conventionnels » (2).

A également été rejeté l’amendement prévoyant l’arrêt de toute exploration et exploitation d’énergies fossiles à l’horizon 2030, ainsi que la possibilité de fixer un plafond en termes de nombre de permis délivrés, pour limiter le recours aux hydrocarbures. Ce plafond a finalement été remplacé par la fixation d’un « objectif de délivrance de titres miniers », ce qui peut donc avoir l’effet inverse de promouvoir l’octroi de davantage de permis, et non une réduction du recours aux énergies fossiles ! Enfin, si une référence à l’Accord de Paris et à la loi sur la transition énergétique a finalement pu être introduite, elle concerne simplement la nouvelle politique nationale des ressources et usages miniers, qui n’est pas contraignante.

Le gouvernement et le rapporteur se sont également opposés à la remise en cause du fameux « droit de suite », malgré quatre amendements déposés en ce sens. Les entreprises disposant d’un permis d’exploration maintiendront donc leur droit quasi automatique à un permis d’exploitation. Selon Juliette Renaud, « Ils ont choisi sciemment de maintenir cette forte limite à la souveraineté de l’Etat : ce dernier restera grandement poings liés face aux industriels, qui feront des recours et réclameront d’importantes indemnisations si par hasard on leur refuse le permis d’exploitation ».

Concernant la consultation du public, qui était un des problèmes principaux à l’origine de la réforme du code minier, la proposition de loi crée une procédure renforcée d’information et concertation, mais celle-ci reste facultative et non contraignante. En l’absence de celle-ci, les demandes de permis d’exploration ne seront toujours soumises qu’à une simple consultation électronique, et non systématiquement à une enquête publique comme voté en commission (3).

Juliette Renaud conclut : « Le vote de cette réforme du code minier laisse un goût amer. Si, a priori, on n’a pas de recul par rapport au code minier actuel, aucun changement en profondeur n’a été adopté. Il n’implique aucune remise en cause du renouveau extractif promu en France ces dernières années (4). Surtout, ce texte arrive bien tard et a très peu de chances d’aboutir. Les quelques avancées obtenues risquent bien de rester lettre morte ! ».

Contacts presse :

Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives, Les Amis de la Terre France :
+33 9 72 43 92 61, juliette.renaud@amisdelaterre.org

Pierre Sagot, chargé de communication, Les Amis de la Terre France :
+ 33 6 86 41 53 43 / +33 9 72 43 92 65, communication@amisdelaterre.org

Notes :

(1) Plusieurs amendements ont été adoptés malgré l’opposition du gouvernement et du rapporteur, notamment :
– les activités minières et pétrolières devront respecter l’article 110-1-2 du code de l’environnement, qui établit une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, privilégiant celles issues du recyclage ou renouvelables, afin de réduire notre consommation de ressources naturelles et la production de déchets, au lieu de rouvrir de nouvelles mines par exemple.
– la règle de “silence gardé vaut rejet” a été réaffirmée. En cas d’absence de réponse de l’Etat pendant plus de deux ans à une demande d’octroi, d’extension ou de prolongation d’un permis d’exploration ou d’exploitation, cette demande est considérée comme rejetée.
– le groupement participatif institué par la procédure renforcée d’information et de concertation pourra choisir librement des experts, sans finalement avoir à demander l’avis de l’entreprise sollicitant le titre minier.

(2) Voir la tribune cosignée par les Amis de la Terre “Vers un code minier contraire à l’urgence climatique ?”.

(3) Pour plus de détails, voir notre analyse suite à l’examen en Commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire.

(4) Voir notre récent rapport “Creuser et forer, pour quoi faire ? Réalités et fausses vérités du renouveau extractif en France

Crédit photo : Guillaume DELEBARRE