UE Europe devoir de vigilance
FinanceMultinationales
Communiqué de presse1 décembre 2022

Directive devoir de vigilance : sous pression de la France, le Conseil de l’UE adopte des exclusions massives pour le secteur financier

Paris, le 1er décembre 2022 - Ce matin, le Conseil de l’Union européenne a adopté son texte de position sur la directive européenne sur le devoir de vigilance, un texte qui contient de nombreuses failles, en particulier pour le secteur financier.

Alors que le gouvernement français a tenté d’exclure complètement le secteur financier, l’application du devoir de vigilance à une liste – déjà restreinte – de services financiers sera finalement laissée au choix des États membres. Les Amis de la Terre France et Reclaim Finance s’indignent de cette exclusion de facto de la quasi-totalité du secteur financier, et appellent le Parlement européen à rejeter cette décision désastreuse pour l’environnement et les droits humains.

Ces dernières semaines, le rôle négatif de la France dans les négociations l’a mise sous le feu des projecteurs. Voulant constituer une minorité de blocage pour limiter l’application du devoir de vigilance au secteur financier, le gouvernement a répondu hier soir aux interpellations de la société civile, des parlementaires et des médias. Il a souligné le caractère pionnier de la France sur le devoir de vigilance et son implication dans le développement de la proposition européenne, et indiqué vouloir traiter le secteur financier  « comme tous les autres« … tout en poussant dans l’ombre pour des amendements menant à son exclusion de fait.

En effet, la définition de « chaîne d’activités » dans la directive, déjà gravement affaiblie par le texte de compromis, inclut les activités en amont du donneur d’ordre (sous-traitants, fournisseurs participant à l’élaboration du produit ou service) mais ne s’applique qu’à une liste réduite d’activités explicitement nommées en aval. Dans ce contexte, le texte du Conseil précise ainsi une liste restreinte de services financiers, liste que la France a d’abord poussé à restreindre, puis proposé hier et ce matin de supprimer purement et simplement.

Si cette proposition désastreuse a finalement été rejetée, l’intervention française a contribué à réduire considérablement le champ d’inclusion du secteur financier dans le texte de directive validé par les membres du Conseil ce matin :

De nombreux services financiers sont exclus, comme les activités d’investissements.
Les activités des partenaires commerciaux des entreprises bénéficiant du service financier sont exclues, exemptant les banques de leurs obligations de vigilance concernant les activités des sous-traitants des entreprises qu’elles financent, alors que, dans le secteur textile ou pétrolier par exemple, l’essentiel des violations survient en lien avec la sous-traitance.
Les acteurs financiers ne doivent appliquer le devoir de vigilance qu’au moment de la fourniture des services, et non s’assurer du respect des droits et de la protection de l’environnement après que ces services ont été accordés.

Enfin, et surtout, les initiatives de la France pour affaiblir le texte ont poussé la présidence tchèque à proposer comme compromis que son application au secteur financier soit laissée au libre choix de chaque État membre.

Juliette Renaud

La position et l’attitude de la France dans ces négociations a été scandaleuse: le gouvernement a choisi de défendre coûte que coûte les intérêts du secteur financier au lieu de protéger les droits humains et l’environnement. Au final, la liste d’exemptions pour les banques et assurances est tellement longue qu’on ne voit pas bien comment elles pourront être tenues responsables de quoi que ce soit

Juliette Renaud
Responsable de campagne aux Amis de la Terre France

Elle poursuit : « Elles ont pourtant un rôle majeur en rendant possible, via leurs financements, des projets ou activités violant les droits humains ou aggravant la crise climatique. »

Paul Schreiber, chargé de campagne chez Reclaim Finance indique : « Si le secteur financier est traité “comme les autres” comme le demande le gouvernement, alors le cœur de son activité, à savoir le financement de l’économie, sera exclu du champ d’application du devoir de vigilance.« 

S’ils veulent protéger l’environnement et les droits humains, les eurodéputés ne doivent pas être dupes : il faut rejeter la position du Conseil et demander l’inclusion de l’ensemble des acteurs et services financiers.

Paul Schreiber
Chargé de campagne à Reclaim Finance

Le texte adopté ce matin constitue la position que le Conseil portera dans les négociations avec la Commission et le Parlement européen en 2023. Les Amis de la Terre France et Reclaim Finance appellent donc les eurodéputé.es à résister aux pressions des lobbies de la finance, en adoptant un texte de directive s’appliquant pleinement aux acteurs financiers, et en s’opposant à la position désastreuse du Conseil.