Multinationales

Devoir de vigilance : une loi pionnière contre l’impunité des multinationales

La loi française sur le devoir de vigilance est une loi pionnière : les multinationales françaises peuvent enfin être reconnues légalement responsables des dommages humains et environnementaux que peuvent provoquer leurs activités, en France comme à l'étranger.

Cette campagne est menée par les Amis de la Terre avec les autres membres du Forum citoyen pour la RSE, principalement ActionAid France-Peuples Solidaires, Amnesty International France, le CCFD-Terre Solidaire, le collectif Ethique sur l’étiquette et Sherpa.

Contexte

Exploitation des travailleurs.ses, conditions de travail indignes, expulsions de populations, financement de milices armées, destructions environnementales et pollutions meurtrières… : les multinationales se servent de leur myriade de filiales et sous-traitants pour profiter de vides juridiques, de faiblesses institutionnelles et législatives de certains pays et échapper ainsi en toute impunité à leurs responsabilités. 

Comprendre

Les normes volontaires et les chartes éthiques ont largement montré leur insuffisance. Pour que les victimes accèdent à la justice et pour éviter de nouveaux drames,  les Amis de la Terre se battent afin que des lois soient imposées aux multinationales. Nous avons ainsi été au cœur du combat pour l’adoption en 2017 d’une loi pionnière en France sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre.

C’est une victoire historique : après des années de mobilisation et plus de trois ans de processus législatif et de pressions féroces des lobbies, cette loi est finalement promulguée et devient une référence mondiale. Les multinationales françaises pourront enfin être reconnues légalement responsables des dommages humains et environnementaux que peuvent provoquer leurs activités, en France comme à l’étranger. 

Cette loi appréhende enfin la complexité juridique des multinationales, et la multiplicité des relations commerciales qu’elles entretiennent au sein de leurs chaînes de production : les entreprises concernées ont en effet une obligation légale de “vigilance” non seulement vis-à-vis des violations potentiellement causées par leurs propres activités, mais aussi par celles de leurs filiales et de leurs principaux sous-traitants et fournisseurs.

Un plan de vigilance, c'est quoi ?

Pour identifier les risques et prévenir ces atteintes aux droits humains et à l’environnement, toutes les entreprises concernées par cette loi ont l’obligation légale d’établir, de rendre public et surtout de mettre en œuvre de façon effective un “plan de vigilance”. La loi précise que ce dernier doit comprendre :

  • une cartographie des risques ;
  • des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, sous-traitants et fournisseurs, au regard de la cartographie des risques ;
  • des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves;
  • un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales ;
  • un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

En cas de non-respect, toute personne ayant intérêt à agir pourra saisir le juge français. La responsabilité civile de l’entreprise pourra être engagée, et cette dernière pourra éventuellement être condamnée à indemniser les victimes.

Problèmes

La loi ne concerne pas toutes les entreprises

Bien que pionnière, cette loi est loin d’être parfaite. Elle ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 5 000 salariés : un grand nombre d’entreprises échappent donc à ces obligations, notamment des entreprises du secteur extractif, comme Perenco.

Par ailleurs, la charge de la preuve incombe toujours aux plaignants, l’accès des victimes à la justice reste donc un véritable parcours du combattant.

Les premiers plans de vigilance publiés sont insuffisants voire inexistants

Deux  ans après l’adoption de cette loi, nous avons publié avec nos partenaires une étude qui dresse un constat préoccupant : parmi les 80 plans analysés, la plupart ne répondent que très partiellement aux exigences de la loi, notamment en termes d’identification des risques de violations, de leur localisation et des mesures mises en œuvre pour les empêcher. Notre étude analyse les faiblesses des plans dans des secteurs identifiés comme particulièrement risqués en matière d’atteintes aux droits humains et à l’environnement : les  secteurs extractif, de l’armement, de l’habillement, agroalimentaire et bancaire.

Découvrir le rapport : 2 ans après l’adoption de la loi : un bilan inquiétant 

Demandes

Les entreprises doivent se conformer à la loi

Les entreprises doivent établir, publier et mettre en oeuvre de façon effective des mesures de vigilance, à commencer par la publication d’une cartographie détaillée des risques pour les droits humains et l’environnement. Elles doivent s’assurer de l’efficacité des mesures mises en oeuvre et actualiser continuellement leur plan de vigilance en conséquence.

Les autorités françaises doivent renforcer la loi et s’assurer de son application

Le gouvernement doit publier annuellement la liste des entreprises soumises à la loi, désigner une administration en charge du suivi de la mise en oeuvre de la loi. Celle-ci doit être renforcée pour inclure davantage d’entreprises d’une part, et en inversant la charge de la preuve d’autre part.

La France doit porter la loi au-delà des frontières

La France doit porter la loi sur le devoir de vigilance au-delà de nos frontières, au niveau européen et onusien, pour que les multinationales du monde entier cessent de violer les droits humains et de détruire l’environnement.

  • 24 Avr 2013

    Un drame survient

    Rana-Plaza Bangladesh 25AVRIL2013 - credit ActionAid

    Le Rana Plaza, abritant plusieurs usines textile s’effondre au Bangladesh, provoquant la mort de plus de 1 100 ouvrières et ouvriers. L’émotion est vive : l’événement joue un rôle d’accélérateur politique.

  • 06 Nov 2013

    Une première proposition de loi est déposée

    Ambitieux, le texte est soutenu par les quatre groupes parlementaires de gauche qui ont la majorité à l’Assemblée nationale.

  • 2014

    Les lobbies font pression

    Pendant plus d’un an, le texte n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

  • 11 Fév 2015

    Dépôt de la deuxième proposition de loi

    Un texte de compromis amoindri par le Ministère de l’Économie est déposé à l'Assemblée nationale par le groupe socialiste et adopté en première lecture en mars 2015.

    Devoir de vigilance : Les députés avancent, Bercy plie sous le poids des lobbies économiques

  • 2016

    De longs allers-retours

    Le texte fait la navette plusieurs fois entre le Sénat, qui le détricote, et l'Assemblée nationale, qui le rétablit.

    Le parcours du combattant de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales

  • 23 Mar 2017

    Une avancée malgré les lobbies

    Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi alors que des parlementaires Républicains avaient saisi le Conseil constitutionnel et contestaient la loi dans sa quasi-totalité. Quelques semaines avant, le MEDEF avait déjà déposé un mémoire en ce sens.

    Devoir de vigilance : le Conseil Constitutionnel valide l’essentiel de la loi

  • 27 Mar 2017

    Victoire !

    Mobilisation de la société civile à l'ONU

    La loi sur le devoir de vigilance des multinationales est enfin promulguée. Un pas historique vers le respect des droits humains et environnementaux par les entreprises.

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