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© Qilai Shen / PANOS-REA
Surproduction
22 juin 2023

La mode surchauffe : on a décrypté l’impact et le modèle de Shein

Shein. Ce nom ne vous dit peut-être rien. C’est pourtant celui du leader mondial du prêt-à-porter à très petit prix en ligne. Symbole de l’ultra fast-fashion et de ses ravages environnementaux, climatiques et sociaux, Shein écrase tous ses concurrents grâce à des volumes de production astronomiques.

Nous avons analysé la surproduction de Shein pour la quantifier et lancer l’alerte sur les dangers de cette trajectoire.

Prix dérisoires et renouvellement perpétuel de nouveaux modèles soutenus par une pollution et une exploitation des travailleurs complètement débridée : voici la rançon du succès dans le secteur de la mode depuis quelques années. Ce modèle économique, qui tend à s’imposer de plus en plus, c’est d’abord celui des enseignes de fast-fashion et maintenant de celles de l’ultra fast-fashion.

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Décryptage

Quand la mode surchauffe : Shein, ou la course destructrice vers toujours plus de vêtements

La mode dépasse toujours plus les limites planétaires

Cette surproduction est sans précédent. En 2022, 3,3 milliards de vêtements ont été mis en marché en France, soit plus de 48 vêtements par habitant·e. Ce chiffre colossal est le résultat d’une augmentation exponentielle : depuis 2013, 1 milliard de vêtements supplémentaires ont été mis en marché chaque année en moyenne en France.

Cette augmentation s’est fortement accélérée après 2020, avec la montée en puissance de nombreuses enseignes d’ultra fast-fashion, qui poussent l’industrie à produire toujours plus et toujours plus vite.

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Si l’impact environnemental de la mode est déjà dramatique aujourd’hui, poursuivre cette trajectoire de surproduction pourrait mener le secteur à être responsable d’un quart des émissions de CO2 mondiales d’ici 2050 et de toujours plus de violations des droits des travailleurs·ses, 10 ans après la catastrophe du Rana Plaza.

À l’heure où le dérèglement climatique et la raréfaction des ressources se font de plus en plus visibles, la surproduction dans la mode démultiplie la quantité de nouveaux besoins et les impacts liés à la production d’un vêtement (extraction de ressources, pollution des eaux et des sols, pollution liée au transport notamment).

Shein, une bombe climatique à retardement

Ce que propose Shein, ce n’est pas 2 collections par an, comme une majorité d’enseignes françaises, mais un renouvellement incessant de la mode avec la mise en marché de plusieurs milliers de nouveaux modèles par jour.

Notre analyse de la marque chinoise durant le mois de mai 2023 démontre que Shein propose en moyenne 900 fois plus de produits qu’une enseigne française traditionnelle.

Elle a ajouté sur son site plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour en moyenne en mai 2023, atteignant parfois 10 800 nouveaux modèles dans la journée. Cela représente au minimum 1 million de vêtements produits, soit entre 15 000 et 20 000 tonnes de CO2 émises chaque jour.

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Alors que faire ?

Shein est un exemple – le plus prégnant – des ravages de l’ultra fast-fashion. Mais pour réguler efficacement le secteur, il ne faut pas se limiter à une enseigne et réguler absolument tous les modèles de surproduction. Si les enseignes plus anciennes de fast-fashion font presque figure de bons élèves, il ne faut pas s’y méprendre. Ce que Zara, H&M, Primark ou Uniqlo ne font pas en termes de quantité de modèles proposés, elles le rattrapent en quantité produites ainsi qu’en exploitations des droits humains.

Avatar d’un système en surchauffe dont la seule échappatoire semble être de produire toujours plus, l’industrie de la mode doit être régulée de manière stricte et ambitieuse. Concrètement, nous demandons :

  • L’interdiction du modèle d’ultra fast-fashion reposant sur la mise en marché de plusieurs milliers de nouveaux produits par jour à des prix dérisoires ;
  • Le plafonnement annuel des mises en marché, associé à un objectif de réduction progressif de ces dernières, en cohérence avec les objectifs de l’Accord de Paris.