reporterre_logoweb.png
Forêt
15 décembre 2014

Saint-Gobain – Jardiner la forêt plutôt que l’exploiter, pour arriver au bois bio

A perte de vue, les arbres longent les larges allées. « C’est une forêt de feuillus typique du Nord de l’Europe : on trouve du chêne, du hêtre, du frêne, des merisiers, des charmes, etc. », détaille Yvain.

Originaire de Saint-Gobain, bourg de 2 300 habitants dans l’Aisne, il a une formation de technicien forestier et fait partie du collectif Forêt Vivra, constitué pour réfléchir à l’avenir des treize mille hectares de la forêt de Saint-Gobain.

Là où le promeneur ne voit qu’une étendue d’arbres, Yvain reconnaît un mode d’exploitation de la forêt. Il s’arrête devant une parcelle : les arbres font tous la même taille, les troncs sont bien droits et de même diamètre. La vue est dégagée, sans broussailles, taillis ou branches basses. « C’est une exploitation en futaie régulière, explique-t-il. Tous les dix ans, on coupe quelques arbres pour faire une éclaircie et laisser les plus beaux grossir. Puis on coupe tout et on replante. »

Ce système d’exploitation de la forêt est aberrant, juge Fabien, autre membre du collectif. « C’est économiquement rentable à court terme. Mais on coupe les arbres de plus en plus jeunes, on détruit notre capital. » Une fois coupé, un jeune arbre finira en panneaux de bois bas de gamme ou en granulés de chauffage. Alors qu’un vieil arbre peut servir à faire des meubles et sera vendu beaucoup plus cher.

Cette gestion de la forêt pose aussi problème d’un point de vue écologique. « Plus un arbre est vieux, plus il a un rôle écologique fort. Sans vieux arbres, de nombreuses espèces n’ont plus d’habitat dans la forêt ».

C’est parce qu’ils étaient exaspérés par cette gestion de la forêt qu’ils ont décidé de s’organiser en collectif. Il s’agit de proposer un « aménagement » alternatif de la forêt de Saint-Gobain. Toute forêt gérée par l’ONF doit avoir un tel plan. Le collectif compte donc proposer une « sylviculture irrégulière et continue proche de la nature », où se mélangeront essences, âges, tailles d’arbres. « On coupe les arbres un par un, on les sélectionne pour laisser pousser les autres », explique Fabien. Les arbres vieillissent plus vieux. Le bois mort et les petites branches sont laissés au sol, pour permettre à l’humus de se renouveler.

« L’exploitation en futaie régulière part du principe que l’homme domine la forêt. » Le collectif propose une autre vision. « Il s’agit de jardiner la forêt plutôt que l’exploiter. De respecter l’écosystème en laissant le temps et l’espace à la nature pour qu’elle s’équilibre et donne ce qu’elle a à donner. » Ce n’est pas un doux rêve. « Cela existe déjà, précise Yvain, et répond à une logique économique, mais de long terme ». Il faut cependant relancer une filière locale de transformation. C’est ce qu’ont commencé à faire Yvain et Fabien, avec Gink’oop, qui fabrique des cabines de toilettes sèches. L’affaire marche bien et emploie déjà trois personnes. Elle commence à se diversifier et a aussi aménagé l’épicerie bio. Elle envisage de réaliser des habitats en bois écologiques. Mais ces débouchés sont infimes, comparés aux milliers de tonnes de bois produites chaque année par la forêt de Saint-Gobain. Le projet du collectif est de créer un « Pôle Bois ». Pour garantir la qualité de cette filière locale, ils proposent de créer un label « Sylviculture Durable », « comme le bio en agriculture ! » s’enthousiasme Yvain.

> MARIE ASTIER

Cet article est issu du dossier de la Baleine 178 – Les pièges verts de la biomasse réalisé en partenariat avec Reporterre