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Multinationales
13 mai 2016

CETA : le manège juridique de la France

Le Conseil des ministres du commerce de l'Union européenne a lancé le processus d'examen du traité UE-Canada. Le mic-mac juridique proposé par la Commission européenne et le Gouvernement français est le meilleur moyen de faire accepter n'importe quoi aux élu-e-s.

Communiqué de presse

Le Conseil des ministres du commerce de l’Union européenne (UE) réuni ce matin a lancé le processus d’examen du traité UE-Canada (ou CETA), qui doit se conclure par un vote formel des États membres d’ici fin 2016.

L’enjeu est de taille car non seulement le CETA comporte la plupart des mesures décriées dans le cadre de l’accord TAFTA entre l’UE et les États-Unis (arbitrage d’investissement, coopération réglementaire, libéralisation du commerce des produits agricoles, des services ou de l’énergie, notamment), mais aussi parce que son traitement par le Conseil conditionnera largement celui du TAFTA.

La question centrale concerne le statut juridique du CETA : relève-t-il de la compétence exclusive de l’Union européenne ou comporte-t-il des dispositions demeurant de la compétence des États membres ? Dans le premier cas, il pourra être mis en œuvre dès l’approbation du Conseil européen, sans attendre la ratification dans les 28 capitales. Dans le second, les dispositions de compétence communautaire pourront être mises en œuvre sans attendre ; tout le reste attendra la validation des parlements nationaux.

Mais qui décide et selon quels principes ? La Commission européenne a saisi la Cour de justice de l’UE pour obtenir son avis concernant le statut juridique d’un autre accord en phase de ratification, celui entre l’UE et Singapour, qui traite des mêmes matières que le CETA. Mais, aux dernières nouvelles, la Commission n’attendra pas l’avis de la Cour pour se prononcer sur le traité UE-Canada, car ce processus prendrait trop de temps. Pour elle le CETA relève de la compétence communautaire exclusive mais elle est prête à transiger face aux pressions de certains pays.

« La morale de l’histoire… », pour Amélie Canonne, de l’Aitec « … c’est que le droit n’a aucun mal à s’effacer derrière le politique quand celui-ci affiche assez de détermination. Les États membres doivent cesser de se cacher derrière Bruxelles ; ils peuvent parfaitement prendre leurs responsabilités et refuser les conditions qui leur sont imposées, en refusant par exemple toute application du traité avant que leurs Parlements n’aient donné leur aval. ».

La France aurait notamment milité pour la reconnaissance du caractère mixte de l’accord. La prochaine étape consistera donc à déterminer quelles dispositions relèvent de la compétence exclusive de Bruxelles, et celles qui sont mixtes. Au cœur du débat : le chapitre 8 sur l’investissement, comportant le mécanisme controversé d’arbitrage des investissements, qui, s’il est de compétence européenne, permettrait aux entreprises canadiennes d’attaquer la France devant un tribunal arbitral, et ce, même si Parlement français rejetait le traité ultérieurement.

Nicolas Roux, des Amis de la Terre confirme : « c’est une preuve de plus de la mauvaise foi de Bruxelles et de notre gouvernement. Fragmenter le traité en morceaux qui seront traités séparément par le Parlement, sans compréhension de la portée globale du texte, selon un calendrier inintelligible, c’est le meilleur moyen de faire accepter n’importe quoi à nos élu-e-s. Ce micmac qui nous est proposé démontre que la Commission et le gouvernement manipulent le droit pour légitimer ce qui les arrange ».

Le gouvernement a multiplié ces dernières semaines les déclarations hostiles au TAFTA. Il doit maintenant respecter sa propre logique et refuser toute mise en application provisoire du CETA en catimini, dans le but d’engager un vrai débat citoyen.

Contacts :

Amélie Canonne, Aitec : amelie.aitec@reseau-ipam.org 06 24 40 07 06

Nicolas Roux, Amis de la Terre : nicolasroux.at@gmail.com 07 70 15 39 19