Thématique

Finance

Le capitalisme financiarisé est non seulement incapable de prendre en compte les limites physiques de la planète mais il creuse aussi les inégalités sociales. Pour construire des sociétés soutenables, une refonte profonde du monde de la finance est nécessaire.

Problèmes

Des banques et assureurs toujours accro aux fossiles

Main dans la main, industrie financière et industrie extractive orchestrent une exploitation sans limite des ressources naturelles et des humains. Dans un rapport publié en novembre 2019, les Amis de la Terre et Oxfam ont levé le voile sur l’empreinte carbone colossale des banques françaises. Les émissions de gaz à effet de serre issues des activités dans le secteur des énergies fossiles de BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE en 2018 équivalent à 4,5 fois les émissions de la France la même année. Ces grandes banques commerciales continuent à massivement alimenter en capitaux les énergies fossiles : dans les trois années qui ont succédé à l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat, elles ont financé à hauteur de 124 milliards d’euros les industries du charbon, du pétrole et du gaz. Si presque tous les acteurs financiers ont adopté des politiques sur le secteur du charbon, la vaste majorité en soutient toujours le développement. Selon une autre étude, les grandes banques françaises, BNP Paribas en tête, ont ainsi accordé entre janvier 2017 et septembre 2019 plus de 16 milliards d’euros de financements aux entreprises qui construisent de nouvelles centrales à charbon dans le monde. Seul Crédit Agricole a à ce jour adopté une stratégie cohérente de sortie du secteur. Par ailleurs, si notre mobilisation a poussé BNP Paribas à réduire son soutien aux énergies fossiles parmi les plus dangereuses pour le climat et les populations – sables bitumineux, gaz et pétrole de schiste, forages en Arctique –, Société Générale reste le leader mondial du financement de terminaux d’exportation de gaz de schiste en Amérique du Nord.

Argent public et énergies sales

Dans le monde, les énergies fossiles continuent d’être plus de deux fois plus subventionnées que les énergies renouvelables. Alors que la puissance publique est censée montrer la voie en investissant prioritairement dans les solutions à la crise climatique, les institutions financières publiques continuent de soutenir massivement les énergies fossiles. La France ne fait pas défaut : à travers ses niches fiscales, financements à l’export et au développement, fonds souverains, entreprises dont elle est actionnaire, elle soutient ce secteur destructeur pour le climat, l’environnement et les droits humains. En 2018, le montant de ces subventions s’élevaient au moins à 18,5 milliards d’euros. Depuis 2009, ce ne sont par exemple pas moins de 10,5 milliards d’euros de garanties publiques qui ont permis de soutenir les projets de l’industrie fossile française à l’étranger. 

Des besoins massifs d’investissement dans les solutions à la crise climatique

Bien que le coût à venir de l’inaction climatique soit très élevé, les pouvoirs publics (États, collectivités locales, banques publiques) n’investissent aujourd’hui pas assez dans les solutions à la crise climatique. Selon I4C, la France devrait mobiliser par exemple 15 à 18 milliards d’euros supplémentaires chaque année pour respecter ses propres objectifs climatiques. 1 Ceci sans compter les financements nécessaires aux pays les plus vulnérables face au dérèglement climatique, qui ne disposent pas des moyens techniques, humains et financiers pour s’y adapter.

La finance : un monde opaque

Que ce soit du côté des acteurs financiers publics comme privés, on ne peut pas dire que ce soit la transparence qui règne. Quand vous placez votre argent sur un compte épargne, vous n’avez bien souvent aucun moyen de savoir comment il est utilisé. Malgré les obligations croissantes en terme de transparence, les acteurs financiers privés refusent toujours de publier la majeure partie de leurs données financières ainsi que l’empreinte carbone associée à leurs activités. Les institutions financières publiques ne sont pas en restent : il est bien souvent très difficile de savoir quels projets sont soutenus à travers les financements export, banques multilatérales etc. Une part de plus en plus importante d’argent public est par ailleurs confié à des intermédiaires financiers (banques commerciales, fonds d’investissement) sans aucun moyen de savoir précisément s’il ne permet pas de soutenir des projets néfastes pour le climat et la justice sociale.  

La finance, source du creusement des inégalités dans le monde

Le système financier contribue à construire et perpétuer des maux importants de nos sociétés, notamment la concentration des richesses. Son rôle dans l’évasion et la fraude fiscale est loin d’être anodin. Certaines de ses activités de marchés sont sans utilité sociale, voire dangereuses pour la stabilité mondiale. Enfin les banques poussent à la consommation inutile par certains de leurs crédits et ont pris part à la précarisation de consommateurs parmi les plus fragiles.

Solutions

Plus de régulation

La dernière crise financière a ruiné des familles, entreprises et gouvernements. Une profonde réforme du système financier est nécessaire pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus. La majeure partie des flux financiers aujourd’hui se font sur les marchés financiers, sans aucun lien avec l’économie réelle. Ceux qui le sont continuent de soutenir majoritairement les secteurs de l’économie les plus polluants. Les engagements volontaires régulièrement rendus publics par les acteurs financiers se sont avérés jusqu’à présent incapables de répondre au double enjeu d’empêcher le développement de nouvelles infrastructures d’énergies fossiles et d’accélérer la fermeture des actifs carbonés actuellement en opération, en garantissant la reconversion et les besoins des travailleurs. Pour prévenir un risque de crise financière majeur dû à la spéculation et aux changements climatiques, réguler le secteur de la finance est donc nécessaire.

Réorienter et massifier les financements publics pour construire des sociétés soutenables

Des projets d’avenir pour notre environnement, nos emplois, notre santé … Il y en a partout, mais ils peinent bien souvent à trouver des financements. Pour métamorphoser nos sociétés, un grand plan de financement est pourtant nécessaire afin d’accélérer la rénovation des logements, le développement des transports en commun, du réseau ferroviaire et des aménagements cyclables, des énergies renouvelables, construire un modèle agricole soutenable etc. C’est le rôle premier de la puissance publique de soutenir ces projets et de créer les conditions pour qu’ils changent d’échelle. Aujourd’hui, la majeure partie des financements publics continuent pourtant de financer les grands projets des secteurs les plus polluants, ne respectant pas les droits humains. Il faut donc réorienter ces financements sales vers des projets ayant une utilité sociale, écologique et/ou culturelle. 

La finance au service de la relocalisation de l’économie

La relocalisation des activités est une des conditions pour construire des sociétés soutenables. Relocaliser, c’est limiter l’impact écologique des transports et cesser la recherche et l’exploitation prédatrice de ressources dans des pays lointains. C’est aussi fonder l’économie et les échanges sur des liens directs, indispensables à la confiance entre citoyens et collectivités, entre producteurs et consommateurs, plutôt que sur l’anonymat et la standardisation. La relocalisation passe par une refonte du système financier mondialisé pour privilégier l’activité d’acteurs financiers publics et privés implantés sur les territoires. Une des solutions réside aussi dans l’extension des échanges en monnaies locales complémentaires, comme l’Eusko au Pays basque.2

Changer de banque

Nous confions toutes et tous notre argent à une banque. À regarder leurs publicités et à écouter le discours rassurant de notre conseiller, notre argent semble être entre de bonnes mains, géré de manière responsable et mis au service d’une économie durable. Mais chez la plupart des grandes banques, il n’en est rien ! Quitter une banque irresponsable pour une banque éthique est un levier de changement du modèle économique, social et environnemental. Dans ce guide, Les Amis de la Terre aide à bien choisir votre banque. 

Demandes

01

Réguler les acteurs de la finance privée

Face à l’urgence climatique et au vu de l’empreinte carbone monumentale que représentent les activités soutenues par les banques françaises, l’État doit prendre ses responsabilités. Parce que la lutte pour le climat ne saura se payer le luxe des petits pas concédés par les banques, il est temps pour l’État de rendre la finance redevable. Au nom de l’intérêt général, il doit réguler les activités des acteurs de la finance afin de limiter les impacts du dérèglement climatique et de prévenir un risque de crise financière majeur.

02

Mettre fin aux financements publics et privés des énergies sales

Éviter les conséquences les plus dramatiques de l’emballement climatique et de la crise écologique requiert que tous les acteurs du monde de la finance, publics comme privés, cessent dès aujourd’hui de soutenir le secteur des énergies fossiles et fissiles.

03

Une fiscalité à la hauteur de l’urgence sociale et climatique

Construire une transition écologique juste implique de mettre en place une fiscalité permettant d’accélérer la transition écologique et de réduire les inégalités sociales. Cela passe notamment par la fin des niches fiscales en faveur des énergies fossiles comme celle sur le kérosène dans l’aviation, qui profite avant tout aux ménages les plus aisés, mais aussi par des mesures fiscales permettant d’améliorer durablement les conditions de vie des populations les plus précaires, tout en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre (par exemple via le financement de la rénovation thermique des logements). Cela implique aussi de lutter contre l’évasion fiscale, dont les grandes banques françaises sont des acteurs clés.