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Forêt
25 mars 2021
Huile de palme et biocarburants : où en sommes-nous ?
En 2015, Total annonce la reconversion de sa raffinerie de La Mède pour produire des carburants à base d'huile de palme : une menace pour les forêts tropicales, le climat et les emplois. 6 ans plus tard, le projet subit un nouveau coup très dur : le tribunal décide que Total ne peut pas s’affranchir des impacts sur le climat.
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C’est confirmé ! La France n’a pas utilisé la moindre goutte d’huile de palme dans ses biocarburants en 2020. Un coup fatal pour la « bio raffinerie » de La Mède de Total et le résultat de plusieurs années de campagne. Retour sur 6 ans de temps forts dans la bataille contre l’huile de palme et le projet de “bioraffinerie” de Total dans le sud de la France.
Lancement du projet : les Amis de la Terre, lanceurs d’alerte
Total annonce en avril 2015 sa volonté de transformer sa raffinerie de La Mède, près de Marseille, en l’une des “plus grandes bioraffineries d’Europe”.
Le problème que pose cette transformation est simple : alors que la consommation d’huile de palme pour l’alimentation est en diminution en France, le projet de reconversion de Total dans le sud de la France pourrait, à lui seul, doubler les importations françaises d’huile de palme, pour produire des “biocarburants”. Pourtant, la culture de palmiers à huile a des conséquences catastrophiques sur les forêts tropicales, le climat et la biodiversité dans les pays producteurs comme l’Indonésie et la Malaisie.
2016 : Les Amis de la Terre enquêtent et montent le dossier
En décembre, une tribune des Amis de la Terre est alors publiée sur Reporterre pour dénoncer le projet de TOTAL.
2017 : Le sujet prend de l’ampleur, une campagne est lancée
Jan 2017
Le silence complice de la Ministre de la Transition Écologique et Solidaire
Les Amis de la Terre, aux côtés de 5 organisations, demandent à Ségolène Royal de prendre position contre ce projet. Ce que l’on veut obtenir en priorité à ce moment-là, c’est le retrait de l’huile de palme de la liste des “biocarburants”, car l’utilisation de ce produit agricole pour faire rouler nos voitures n’a rien de “bio”. La ministre ne prendra jamais position. Comment, elle, qui en 2015 avait appelé au boycott du Nutella, peut-elle ignorer un projet qui représente l’équivalent de 6 milliards de pots de pâte à tartiner ?
Au-delà de la dangerosité climatique de ce projet, qui ne pose aucun doute, les Amis de la Terre dénoncent également l’impact pour l’emploi que représente la transformation du site.
Hulot veut mettre fin à l’huile de palme dans les carburants.
Nicolas Hulot, nouveau ministre de Transition Écologique et Solidaire annonce lors de la présentation du plan climat que le gouvernement souhaite “fermer une fenêtre qui donnait la possibilité d’incorporer de l’huile de palme dans les biocarburants”.
Oct 2017
Lancement de la campagne
La campagne « Fermons les vannes à l’huile de palme » est lancée pour demander à Nicolas Hulot de tenir son engagement de faire interdire l’utilisation d’huile de palme dans les carburants.
2017
Un débat public à la Mède
Les Amis de la Terre, Alternatiba et le syndicat CGT de La Mède organisent, avec la participation d’élus locaux, un débat public sur l’avenir de la raffinerie de La Mède.
Le Parlement européen a voté pour l’interdiction de l’huile de palme dans les carburants d’ici 2021. Un vote qui se heurte jusqu’à présent à l’opposition des États membres, et en particulier de la France.
Mai 2018
Contradiction entre législation européenne et ouverture de la Mède
Nicolas Hulot laisse entendre que l’Europe va interdire l’utilisation d’huile de palme “dans les années qui viennent” tout en autorisant, le même jour, la nouvelle “bioraffinerie” de Total à en importer en quantités astronomiques.
Juin 2018
Tensions au niveau européen…
Le Parlement européen, la Commission et les États membres peinent à se mettre d’accord sur le texte final de la directive “énergie renouvelable”. Les “biocarburants” contribuant le plus fortement à la déforestation pourraient être interdit en 2030 : un horizon trop lointain et surtout un flou autour de l’huile de palme.
Une action en justice est lancée pour stopper la raffinerie de la Mède
Les Amis de la Terre, Greenpeace France, France Nature Environnement, FNE Provence-Alpes-Côte d’Azur, FNE 13 et la Ligue de Protection des Oiseaux PACA déposent, au tribunal administratif de Marseille, un recours contre l’autorisation préfectorale de la raffinerie de Total à La Mède.
Un nouvel acteur, Canopée, pour préserver les forêts
Pour donner davantage de temps et de moyens sur cette campagne, cette nouvelle association affiliée rejoint la fédération des Amis de la Terre et vient renforcer la lutte contre la déforestation et contre le projet de raffinerie à l’huile de palme de Total.
Déc 2018
Fin de l’avantage fiscal pour les agrocarburants à base d’huile de palme ?
Premier combat de Canopée : supprimer l’avantage fiscal décisif qui permet à l’huile de palme d’être intégrée dans les “biocarburants”. Contre l’avis du gouvernement, et après une rude bataille à l’Assemblée nationale et au Sénat, la fin de cet avantage est votée mais n’entrera en vigueur qu’en 2020. Une surprise et un manque à gagner énorme pour la multinationale qui va déployer des moyens considérables pour saboter cette loi.
Patrick Pouyanné, le patron de Total, estime que cette mesure de retrait de l’avantage fiscal sur l’huile de palme remet en cause la rentabilité globale du site de la Mède et donc le maintien des emplois. Un chantage à l’emploi pur et simple, dans le but de pousser les députés à revenir sur leur décision
Mobilisation générale ! A l’initiative de Canopée, soutenue par les groupes locaux des Amis de la Terre et d’Action Non-Violente COP21, près de 380 activistes organisent des actions dans les stations services pour demander la fin de l’huile de palme dans les carburants. La campagne est coordonnée dans 15 pays européens, pour convaincre la Commission.
Mar 2019
Le lobby de Total à l’œuvre
Le journal le Parisien révèle que le premier chargement d’huile de palme va être livré à la “bioraffinerie” de La Mède, en provenance directe de la province de Riau en Indonésie, une des zones les plus touchées par la déforestation. Total s’entête et a annoncé vouloir mettre la pression sur les députés pour neutraliser cette loi. Le gouvernement, embourbé dans son double discours, ne semble toujours pas vouloir hausser le ton face au géant pétrolier.
Une opération “Rappel à la loi” est organisée sur le site de la bioraffinerie de La Mède avec une banderole “Total change ton projet ! ne change pas la loi !”
Total tente de faire voter en douce un amendement pour reculer à 2026 la date d’entrée en vigueur de l’exclusion de l’huile de palme. Canopée lance l’alerte et, grâce à une mobilisation générale interassociative éclair, l’amendement est finalement écarté.
Déc 2019
Un document tenu secret est dévoilé
Canopée dévoile une discrète note d’information des douanes, qui requalifie en “résidu” un des principaux produits à base d’huile de palme utilisé par Total à La Mède (les PFAD – Palm Fatty Acid Distillates). Cette requalification permet à Total de contourner la loi pour continuer à bénéficier de l’avantage fiscal sur ce produit. Canopée, soutenue par la fédération des Amis de la Terre, monte en urgence un recours en référé auprès du Conseil d’Etat.
Accumulation de déboires pour Total
Fév 2021
L’étau se resserre pour Total
Le Conseil d’État enfonce le clou, en confirmant que ce sont bien TOUS les produits à base d’huile de palme qui sont exclus des biocarburants. La note des douanes que Canopée avait dévoilée et qui ouvrait une exception pour Total est donc annulée.
Plus de deux ans et demi après le dépôt du recours, l’audience portant sur l’autorisation préfectorale accordée à la raffineriese tient le 11 mars 2021. Une nouvelle étude d’impact montre que Total, ne mentionnait ni un plan d’approvisionnement détaillé, ni les effets désastreux de l’huile de palme sur l’environnement.
Cette nouvelle analyse de l’impact de la raffinerie démontre que les gaz à effets de serre seraient équivalents à trois trimestres cumulés d’émissions de la ville de Marseille.
C’est une victoire d’étape pour les forêts et le climat ! Le Tribunal administratif de Marseille prononce une annulation partielle de l’autorisation de la raffinerie et reconnaît l’obligation pour le pétrolier d’évaluer les impacts climatiques induits par son approvisionnement en huile de palme, au-delà des effets au niveau local.. Une petite révolution dans la sphère juridique : c’est la première fois qu’un tribunal consacre l’obligation pour un industriel de prendre en compte les effets directs et indirects sur le climat.
L’étau se resserre pour Total et sa “bioraffinerie” de la Mède, même si la décision n’entraîne pas l’arrêt du fonctionnement du site, ce qui ne peut être envisagé sans alternative juste pour le personnel. Après les longues années de lutte, la décision du tribunal administratif de Marseille montre qu’aucun projet industriel ne peut s’affranchir des impacts sur le climat. Il appartient à Total de gérer l’avenir de ce site industriel en assurant une reconversion juste du personnel, sans chercher une fausse solution dans de pseudo “bio” carburants dont la nocivité est connue depuis des années.
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