Agriculture

Engrais chimiques : merci et au revoir !

Très polluants, insoutenables pour les agriculteur·ices, pour notre santé et pour notre souveraineté alimentaire, les engrais chimiques ont fait leur temps. Les Amis de la Terre luttent contre le lobby de l’agrochimie qui prospère sur la dépendance à ces produits, et soutiennent les modèles de fertilisation écologiques et accessibles.

Contexte

L’industrialisation de l’agriculture qui s’est développée après-guerre est caractérisée par des grands piliers qui, s’ils ont pu apparaître libérateurs de prime abord, nuisent au monde paysan et à l’environnement. Pesticides, engrais chimiques, semences et technologies aliénantes sont autant d’éléments-clés d’une révolution agricole dont le seul but est de produire toujours plus, quitte à écraser les paysan·nes et à détruire la biodiversité et le climat. Parmi les produits les plus nocifs se distinguent les engrais chimiques, dont la France est le premier consommateur d’Europe. Les engrais servent à fertiliser les cultures, en apportant les précieux nutriments azote, phosphore, potasse, mais leur version chimique est extrêmement néfaste.

Problèmes

Engrais et justice sociale : l'équation impossible

Les agriculteur·ices sont soumis·es aux fluctuations du prix des engrais, au fil des crises énergétiques et économiques. Les consommateur·ices en paient également le prix fort, à travers l’inflation sur les produits alimentaires. Pendant ce temps, les industriels profitent des crises. Au plus fort de la crise énergétique, pendant la guerre en Ukraine, Yara a triplé ses profits et accru la rémunération de ses actionnaires, tandis que les agriculteur·ices subissaient de plein fouet la hausse des coûts des engrais chimiques.

Une industrie fossile

L’industrie des engrais est intrinsèquement liée à l’industrie des énergies fossiles et des mines. En effet, l’agrochimie utilise d’énormes quantités de gaz et de charbon dans le processus de fabrication des engrais azotés. Ces produits, dont l’utilisation a commencé il y a moins d’un siècle, ont façonné une agriculture extractiviste, jusqu’à devenir le premier poste de consommation d’énergie fossile du secteur. Alors qu’il est impératif de mettre fin à l’exploitation des énergies fossiles pour faire face à la crise climatique, l’agrobusiness des engrais extrait continuellement de grandes quantités de gaz (provenant en grande partie de Russie) pour fabriquer ses produits qui ne sont pourtant pas essentiels à la production agricole.

L'ennemi du climat

L’industrie des engrais chimiques est fortement émettrice de gaz à effet de serre. Elle est responsable de 2,4% des émissions mondiales. Plus de 60% ont lieu après l’épandage dans les champs, car les engrais chimiques sont fortement émetteurs de protoxyde d’azote, un gaz 265 fois plus réchauffant que le CO2. Avec la réduction de l’élevage, la réduction de l’usage d’engrais chimiques est le principal levier d’action pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’agriculture. 

Un frein pour la sécurité alimentaire

Notre système agro-alimentaire repose à 80 % sur des engrais importés, et un scénario de relocalisation de la production des engrais ne suffirait pas à résoudre ce problème. En effet, même si nous fabriquions nos engrais en France, il serait tout de même nécessaire d’importer le gaz essentiel à leur production. La disponibilité des engrais dépend donc à la fois de l’approvisionnement en gaz, du prix de cette énergie fossile, et de nos relations avec les pays exportateurs (Russie et Etats-Unis principalement). Ainsi, seul le déploiement d’une agriculture sobre en intrants, biologique et agro-écologique, permettrait à la France d’accroître la résilience de sa production agricole face aux chocs économiques et géopolitiques.

Santé et biodiversité en péril

L’utilisation d’engrais chimiques engendre des pollutions de l’air à l’ammoniac et aux particules fines. Asthme, maladies respiratoires, allergies, accidents cardiovasculaires mais aussi cancers sont des effets de ces polluants identifiés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

À cause des engrais phosphatés utilisés en France, l’alimentation des Français·es est contaminée au cadmium. Pommes de terre, pâtes, pain, céréales et fruits de mer sont particulièrement concernés. Ce métal lourd cancérigène s’accumule dans le foie et les reins des Français·es, qui ont des taux de cadmium de plus en plus élevés. Ainsi, en France, les enfants ont des taux quatre fois supérieurs à ceux des Américains ou des Allemands. Le cadmium est un cancérigène certain qui cause un surrisque de cancer du pancréas (la France est le 3e pays au monde pour l’incidence du cancer du pancréas), du sein (la France détient le record mondial de l’incidence du cancer du sein), de l’endomètre, du rein, de la vessie et du poumon. Il cause aussi des troubles de la fertilité, des troubles rénaux et de l’ostéoporose. 

Le recours croissant aux engrais de synthèse a conduit à un autre problème majeur, dénoncé depuis des dizaines d’années : la dégradation de la qualité de l’eau et la modification de l’équilibre biologique des milieux aquatiques (rivières, lacs, sources mais aussi mers et océans).

Solutions

Plusieurs scénarios agronomiques montrent que les engrais chimiques ne sont pas nécessaires pour nourrir les populations. Mais seuls des changements systémiques permettront d’y parvenir. 

La clef est dans la diversité

Polyculture-élevage, agroécologie, agriculture bio… Autant de pratiques agricoles qui peuvent recouvrir des réalités différentes mais qui ont en commun la volonté de maximiser la fertilité des sols en entretenant sa matière organique. Ces modèles améliorent la circularité des nutriments qui permet d’apporter naturellement aux plantes ce dont elles ont besoin. Le lisier des animaux, les rotations de cultures avec plantation de légumineuses et l’usage de compost par exemple sont fondamentaux pour la fertilité des sols.

Fabuleuses légumineuses

Pois chiches, soja, lentilles, luzerne, etc. Les légumineuses sont les seules plantes cultivées capables de capter l’azote de l’air et d’en restituer au sol, elles sont donc de formidables engrais verts. Elles permettent en plus de produire des protéines pour l’alimentation des animaux d’élevage – plutôt que de les importer d’Amérique latine – animaux qui eux-mêmes pourront à leur tour contribuer à amender les sols via leurs déjections.

Réinventer nos assiettes

Produire sans engrais chimique modifie le panier de production, donc nécessairement les régimes alimentaires. Produire sans engrais chimiques signifie produire plus de légumineuses et donc en manger davantage. Comme 80% des engrais chimiques servent à fabriquer de l’alimentation pour l’élevage majoritairement industriel, cela signifie aussi qu’il y aura nécessairement moins de viande abondante et bon marché sur nos étals, et qu’il faudra donc en manger moins mais de meilleure qualité. Ça tombe bien, cela correspond aux préconisations pour un régime alimentaire sain !

Notre urine pour fertiliser demain

Environ ⅓ de nos besoins en fertilisants sont déjà là puisque nous produisons toutes et tous des engrais organiques plusieurs fois par jour via notre urine. Le pipi, riche en azote et en phosphore, est un engrais renouvelable, made in France, écologique et non délocalisable. Il est urgent d’arrêter de jeter cette précieuse ressource dans nos toilettes et de l’utiliser plutôt pour fertiliser le blé de nos baguettes !

Demandes

01

Fixer un objectif de réduction des engrais assorti de mesures pour y parvenir

Il est nécessaire que le gouvernement fixe un objectif chiffré de réduction de la consommation d'engrais azotés de synthèse, notamment en visant une réduction de 30% entre 2018 et 2030 à l'échelle française, et en l'inscrivant dans la prochaine Stratégie Nationale Bas Carbone. Mais fixer un objectif ne suffit pas. Les responsables politiques doivent établir un plan d’action clair pour y parvenir. Ce plan d’action doit prioriser le développement de l’agriculture biologique, le soutien aux pratiques agroécologiques et au développement de la filière légumineuses en France, le tout couplé avec une politique alimentaire cohérente.

02

Créer la “Contribution engrais” pour faire financer par les pollueurs l’apport d’engrais organiques aux agriculteur·ices

Les Amis de la Terre demandent une meilleure prise en compte, dans notre fiscalité, des pollutions engendrées par le recours aux engrais chimiques de synthèse : pollution de l’air, pollution de l’eau et contribution considérable à la crise climatique. Pour cela, la contribution engrais doit être instaurée afin que les bénéfices des producteurs d'engrais chimiques permettent de financer l'apport d'engrais organiques aux agriculteur·ices. Les recettes de cette contribution doivent notamment financer le recyclage des excrétats humains : si l'on pouvait réutiliser l'urine de tous les Français·es, on pourrait couvrir environ 35% de nos besoins en engrais !

03

Refondre la Politique Agricole Commune

Cette refonte doit permettre une réelle transformation de notre système agricole et alimentaire vers une agroécologie paysanne. Nous soutenons des mesures fortes en faveur du redéploiement des cultures de légumineuses et de la généralisation de l'agriculture biologique pour retrouver un cycle naturel de l’azote.

  • Sep 2019

    Le business des engrais de synthèse : Décryptage

    usine engrais

    Les Amis de la Terre décryptent les impacts nocifs des engrais sur l'environnement et le climat.

    Engrais chimiques : destructions en tout discrétion

  • Fév 2020

    La multinationale Yara, élue diva du greenwashing!

    2020-02-24-action-prix-pinocchio-paris-derouet-benoit-7992

    L'édition 2020 des Prix Pinocchio pour dénoncer le greenwashing de l'agrobusiness a consacré le leader mondial des engrais chimiques pour sa communication bien huilée sur l'agriculture soi-disant intelligente face au climat.

    Prix Pinocchio : Yara, leader des engrais chimiques est sacré vainqueur

  • Avr 2020

    Pic de pollution aux particules fines pendant le confinement

    Pollution usine

    Comme chaque année à cette période, les engrais utilisés dans l'agriculture ont contribué à la pollution de l'air.

    Coronavirus et pollution de l’air ne font pas bon ménage

  • Août 2020

    Explosion à Beyrouth: les nitrates d'ammonium au coeur d'un nouveau désastre

    usine engrais

    Utilisés principalement comme engrais chimiques, les nitrates d'ammonium peuvent présenter d'importants risques pour les riverains. La France consomme 8% de la production mondiale.

    Explosion à Beyrouth : les nitrates d’ammonium, fléau d’une agriculture toujours plus industrialisée

  • Sep 2020

    La Convention citoyenne pour le climat demande une taxe sur les engrais

    Macron_CCC

    Mais plutôt que de transmettre les mesures sans-filtres au Parlement, le Gouvernement s'acharne à saboter les mesures de la Convention citoyenne pour le climat.

    La Convention citoyenne pour le climat passera-t-elle après les intérêts du business des engrais chimiques?

  • Oct 2020

    Le Gouvernement et la majorité refusent de mettre en place la taxe sur les engrais

    assemblee_nationale.png

    Contre les conclusions des rapports de l'administration et la Convention citoyenne pour le climat, le Gouvernement et la majorité décident une nouvelle fois de servir les intérêts de l'agrobusiness.

    Une nouvelle mesure de la Convention citoyenne pour le climat tombe à l’eau  

  • Mai 2021

    Recours juridique contre le projet de Port-la-Nouvelle

    2020-02-24-action-prix-pinocchio-paris-derouet-benoit-7992

    Aux côtés de la Confédération Paysanne et d'un collectif citoyen, nous contestons ce projet qui vise à multiplier par 70 le trafic d'engrais, en dépit des engagements nationaux.

    Méga-port de Port-la-Nouvelle : recette d’un carnage pour les agriculteurs et le climat

  • 15 Nov 2021

    Les engrais azotés de synthèse, un facteur majeur de la crise climatique

    Pollution usine

    1 tonne d’émissions de gaz à effet de serre sur 40 vient de l’industrie des engrais azotés de synthèse. Des révélations qui confirment l'ampleur des impacts des engrais azotés que les Amis de la Terre dénoncent depuis plusieurs années.

    RÉVÉLATIONS : 1 tonne d’émissions de GES sur 40 vient de l’industrie des engrais azotés de synthèse

  • 06 Déc 2023

    Engrais : des énergies fossiles dans nos assiettes

    Capture d'écran 2023-12-06 155457

    Alors que la COP28 bat son plein, nous publions un rapport qui met en lumière les liens étroits entre l’industrie des engrais azotés et celle des énergies fossiles.

    Engrais

    Engrais : des énergies fossiles dans nos assiettes

  • 08 Fév 2024

    Agriculture : quand l’agro-industrie récolte ce que sème le gouvernement

    Suite au mouvement des agriculteur·ices, nous réaffirmons notre soutien au monde paysan : le travail agricole doit être justement rémunéré. Mais la colère légitime du monde agricole est instrumentalisée par certains syndicats (FNSEA, Coordination Rurale et JA) et le gouvernement, pour servir les intérêts de l'agro-industrie.

    Manifestation le 22 janvier 2023 dans le Gers, Occitanie. - © Patrick Batard / AFP

    Agriculture : quand l’agro-industrie récolte ce que sème le gouvernement

  • 17 Sep 2024

    Cisjordanie : quand les engrais sont utilisés comme arme de guerre

    Fayez Taneeb est un maraîcher militant dans la région de Tulkarem, en Cisjordanie. Son exploitation, située entre le mur de séparation et une usine d’engrais extrêmement polluante, est asphyxiée par les pollutions provoquées par l’usine. On l’a rencontré, on vous raconte.

    Usine Geshuri, à Tulkarem. © Philippe Pernot / Reporterre

    Cisjordanie : quand les engrais sont utilisés comme arme de guerre

  • 04 Nov 2024

    Yara, fin de l’omerta

    Les Amis de la Terre sont présents à Saint-Nazaire aux côtés d’autres associations et collectifs pour exiger plus de transparence quant au devenir de Yara, dont le site de Montoir-de-Bretagne, après avoir été épinglé pour ses pollutions et nombreux manquements aux règles de sécurité, doit devenir un site de stockage d'engrais importés.

    Usine Yara à Montoir-de-Bretagne

    Yara, fin de l’omerta

  • 14 Fév 2025

    France et Russie, histoire d’une relation toxique

    Pour la Saint-Valentin, les Amis de la Terre publient une note qui dévoile comment, en important du GNL (gaz naturel liquéfié) et des engrais chimiques depuis la Russie, la France et l’Europe entretiennent une relation toxique avec le Kremlin et participent activement à financer la guerre de Poutine en Ukraine.

    Macron & Poutine

    France et Russie, histoire d’une relation toxique

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